L' Interview avec Hélène Grimaud

AVIVA-Berlin: Bonjour Hélène, venez-vous directement de New-York? À quelle occasion nous retrouvons-vous à Berlin?
Hélène Grimaud: Je viens assurer une semaine de promotion. (N.d.l.R : son nouvel album sort en février en Allemagne)

AVIVA-Berlin: Venez-vous souvent à Berlin?
Hélène Grimaud: Oui, pour enregistrer mes disques. J'aime beaucoup cette ville, c'est une de mes préférées en Europe… A world in itself!

AVIVA-Berlin: Avez-vou un endroit préféré, où vous essayez de revenir souvent, dans la ville?
Hélène Grimaud: Il y a trop de beaux endroits ici! Je ne pourrais pas dire.. Si, peut-être, la Bergmann Straße à Kreuzberg.

AVIVA-Berlin: Votre choix de quitter la France pour vivre à New York vient-il seulement du fait que vous y avez-implanté votre Réserve pour les loups ? avez-vous retrouvé là-bas quelque chose ressemblant à la grande harmonie que vous avez découverte jadis lorsque vous étiez dans la Carmague avec vos parents ?
Hélène Grimaud: En fait, ce n'était pas un choix négatif de quitter la France, mais plutôt un choix positif d'aller ailleurs. J'aime la France pour les gens que j'aime, mais quant au pays - je ne me suis jamais sentie vraiment totalement francaise, je n'ai jamais eu cette « résonance intérieure» pour le pays. Comme si je n'avais pas de racines, d'appartenance particulière. Et puis, j'ai découvert les États-Unis lors d'un concert. C'est la diversité et la grandeur des paysages qui m'ont fascinée, et c'est à une heure dix de Manhattan que j'ai trouvé cet « open space » idéal pour une Réserve, un endroit d'une grande biodiversité, paisible , et harmonieux en effet.

AVIVA-Berlin: Une grande intimité règne entre les loups du "Wolf Conservation Centre" et vous – occupez-vous une place définie dans l'hiérarchie de la bande? Combien de temps y consacrez-vous?
Hélène Grimaud: Je ne mets pas « la main à la pâte» au quotidien, mais je reste très investie par la réserve et en contact permanent avec ceux qui s'en occupent sur place. Quant aux loups, ces prédateurs par excellence, ils ont une capacité d'attachement très fort. C'est tout un système social, avec ses fluctuations, son dynamisme. En tant qu'être humain, on est également soumis à ses règles. Le problème c'est si on cherche à se profiler comme un super-alpha ! Ce qui compte, c'est le respect, c'est d'être à pied d'égalité avec les loups. Comme un choix mutuel.

AVIVA-Berlin: C'est-ce les loups peuvent apprendre aux hommes?
Hélène Grimaud: Oui, le respect. L'humilité.

AVIVA-Berlin: Qu'observez-vous lors des rencontres d'enfants et de loups dans la réserve?
Hélène Grimaud: Tous les cas de figure sont présents! L'enfant se place immédiatement dans un rapport au-delà du langage, ils ne faut pas les sous-estimer. Avec eux le monde continue, ils posent des questions tellement pertinentes! En fait, ils sont à 100% dans l'échange.

AVIVA-Berlin: Quand vous étudiez vos partitions entouré par des loups qu'éprouvez-vous? Est-ce que vous jouer autrement deouis que vous avez rencontrez la louve Alawa?
Hélène Grimaud: Etre avec les loups, c'est la même concentration que pour le travail musical! Bon, je ne joue pas au milieu des loups.. mais mentalement je suis avec eux, they keep me grounded». Et ainsi je reste en phase avec mon intuition, c'est la chose la plus viscérale…

AVIVA-Berlin: Quand avez-vous commencé le piano, et quand avez-vous compris que le piano allait prendre une place entière dans votre vie ?
Hélène Grimaud: J'ai dû commncer vers 8 ans.. je crois que j'ai compris tout de suite… au plus tard à 11 ans, tout était clair pour moi.

AVIVA-Berlin: Vous vous intéressez depuis des années à la musique de Chopin et de Rachmaninow. Qu'est-ce ces deux compositeurs signifient pour vous?
Hélène Grimaud: Ils ont une qualité de nostalgie particulière. Et on peut toujours creuser, ce n'a jamais été suffisamment dit, il ne suffira pas d'une vie pour créer, comprendre une œuvre. En fait, on n'invente rien, on ne fait que redécouvrir.

AVIVA-Berlin: Est-ce que vous composez vous-même?
Hélène Grimaud: Non, ce gêne-là ne s'est pas manifesté!

AVIVA-Berlin: Alors, écrire, plutôt que composer ? Qu'est-ce qui a mené à la décision de publier vos expériences les plus intimes dans une autobiographie?
Hélène Grimaud: Les livres ont été mes premiers amis, même avant la musique... Écrire, c'est autre chose.. c'est le résultat de l'acte de penser, le rythme verbal de ce qui a été éprouvé. La musique rend la vie intelligente, supérieure, parce qu'elle communique l'indicible.

AVIVA-Berlin: Dans votre livre il y une phrase qui frappe – "il y a si peu d'hommes parmis les hommes"- que voulez-vous dire par cette phrase?
Hélène Grimaud: En fait je suis de nature optimiste! Même si j'ai en moi ce doute porteur.. Mais j'accorde volontiers le bénéfice du doute à l'homme. L'homme a la volonté de s'élever. Recréer, réinventer sa vie.

AVIVA-Berlin: Sur les dernières pages de votre livre vous dîtes que chacun devrait trouver son élément. Ce que l'air était aux oiseaux, la terre aux loups, ce serait l'art pour l'homme. Qu'est-ce que l'art présente pour vous?
Hélène Grimaud: L'art, c'est justement ce qui nous sépare du monde animal. C'est ce qui fait l'homme...

AVIVA-Berlin: Beaucoup de gens sont convaincu de ne rien savoir de la musique classique où de ne pas y avoir accès. Est-ce que vous jouez pour ceux qui s'y connaissent? Que voulez vous donner à votre auditoire?
Hélène Grimaud: Oh non, je ne fais pas de démarcation. La musique, c'est une émotion, il suffit de ressentir, juste d'ouvrir son cœur.

NB. Hélène Grimaud vient de publier en France une nouveau roman «Lecons particulières», un voyage intérieur, initiatique.